La désobéissance civile
La désobéissance civile
Pendant ce tour, une formation à la désobéissance civile était organisée dans chaque ville étape. A l’époque du tour nous ne connaissions pas vraiment Alternatiba, si ce n’est de nom, néanmoins nous nous sommes proposés pour héberger des cyclistes du tour et participer à la soirée d’accueil des vélos. Finalement nous avons accueilli les formateurs pour la formation de désobéissance civile. C’est avec beaucoup de curiosité que nous leurs avons posé des questions sur leurs engagements, la non-violence, les alternatives et ils ont pris le temps d’y répondre. 2 jours plus tard, avec l’intuition que les deux formateurs n’étaient pas n’importe qui dans cette organisation, nous nous sommes aperçu qu’un des deux était Jon Palais, un des initiateurs d’Alternatiba et ANV-COP21. Voici l’état de ma réflexion après avoir fait quelques actions avec ces associations :
La non violence c’est Bisounours ?
Tu vas peut-être penser que ça fait “bisounours” la non-violence dans le monde dans lequel nous vivons. Et tu ne seras pas le seul. La question que je te pose alors est la suivante : as-tu déjà fait une action non violente avec nous ? Si non, laisse-moi te montrer que nous ne vivons pas non plus dans notre monde utopique, dans notre bulle de bisounours mignon. Si un groupe d’individus reçoit de la violence, il réagit naturellement par la violence, c’est l’escalade de la violence. On le voit dans les manifestations pacifiques qui finissent par des mouvements violents parce qu’une personne a allumé l’étincelle, policier ou manifestant peu importe qui commence. Il est donc plus difficile pour un groupe d’individus de rester 100% pacifique.
D’abord, il faut se mettre d’accord sur l’objectif d’une action. Cela peut être de dénoncer l’évasion fiscale, sensibiliser à l’urgence climatique, éviter les forages de pétrole…
Imaginons lors de cette action que les forces de l’ordre deviennent violentes et qu’elles veuillent nous forcer à quitter les lieux. Si je réponds par la violence, le policier en rentrant chez lui n’aura dans sa mémoire que la lutte acharnée avec un délinquant ! Les médias parleront de débordement. Alors objectif accompli ?
Prenons maintenant le cas d’une action non violente. Dès le début des actions les forces de l’ordre ont pour ordre de nous gazer et de nous matraquer, c’est souvent ce qui se passe dans des actions tendues. Pour le moment, je n’ai pas vu non plus énormément de violence ou d’acharnement de la part des forces de l’ordre, mais c’est surtout dû à notre réponse. Dès que nous nous faisons bousculer nous nous asseyons et nous levons les mains en prononçant ces mots : « Nous sommes non violents ». Au moment où le policier cherche à te faire partir, il suffit de faire le poids mort et de se mettre au sol. Rien ne t’empêche de continuer à lui parler de ton message et de ta non-violence. Dans tous les cas, les policiers vont devoir te déplacer à plusieurs. Si tu ne te débats pas, ils ne craindront pas pour leur sécurité et la fin de l’action se déroulera dans de bonnes conditions pour toi et pour les forces de l’ordre. N’oublie pas que ce sont quand même des humains en face, souvent avec une famille et donc des enfants. Dans ces conditions, tu as plus de chance que le policier réfléchisse en arrivant chez lui au message que tu as délivré. De plus les médias présents montreront des images pacifiques et ils pourront ainsi parler du fond et du message. Objectif rempli ! Si tu n’es pas convaincu regarde comment nous traitons les manifestations des blacks bloc et tu verras que le message ne passe jamais pourtant ils en ont des revendications.
Quand les forces de l’ordre désobéiront nous aurons à coup sûr gagné la bataille et même plus. Les gouvernements sont renversés seulement si les forces de l’ordre désobéissent aux ordres. Si tu doutes encore, laisse-moi te dire que nos actions ont des résultats. Dans tous les cas nous n’abandonnerons pas sans résultat. BNP Paribas suite à des actions répétées dans plusieurs de ses agences dans toute la France s’est désengagée de financer les projets de gaz de schiste.
Nos actions peuvent être aussi fun. Nous avons littéralement nettoyé des agences de la Société Générale. Nous sommes venus avec nos sauts, balais, éponges et serpillères pour nettoyer la banque parce qu’elle finance des projets sales (gaz de schiste). D’autres actions on fait venir des mamans et des enfants pour créer une crèche à la banque pour dénoncer l’évasion fiscale et que sans cet argent nous ne pouvons pas financer de crèches.
L’ambiance est souvent bon enfant, même si on perturbe beaucoup le fonctionnement normal de la banque. Ça nous permet de discuter directement avec les employés. Dans la majorité des cas ils comprennent nos actions et font remonter l’information. Suite aux actions nous sommes invités à discuter avec le siège pour trouver des solutions et les faire changer d’avis.
Pour finir je souhaite laisser ouvert le débat avec une question : est-ce que ce ne serait pas parce que des actions finissent souvent par la violence que les actions non violentes ont un tel écho ? Et est-ce que le rapport de force serait plus grand s’il n’y avait pas de violence et de dégradations dans le mouvement des gilets jaunes ?
Pour ma part je souhaite un monde sans violence physique, le monde va dans ce sens puisque statistiquement les violences diminuent depuis des siècles. Ce sont surtout les médias qui nous font penser que nous subissons beaucoup de violence et de délinquance.
Suite à l’acte IX des gilets jaunes…
Ce samedi 12 janvier nous avons décidé d’aller à la manifestation des gilets jaunes de Nantes. Voici mon récit de la manifestation.
Il est 15h, nous sortons tranquillement du restaurant après avoir mené une action non violente dans une station service Total. Nous sommes déterminés à vivre cette manifestation avec le calme et l’esprit de la non violence. Nous soutenons les Gilets Jaunes dans les revendications, mais, nous n’acceptons pas la violence. Nous pensons pouvoir apporter quelque chose à ce mouvement en tant qu’association mais nous cherchons à comprendre le problème des violences pour imaginer des solutions.
C’est grâce à l’hélicoptère de la police que nous nous orientons pour savoir où se situe la manifestation. On la rattrape sur le boulevard des 50 otages et les manifestants partent en direction de la préfecture. Une amie du GIGNV (Groupe d’Intervention des Grenouilles Non Violentes) avec qui nous menons des actions non-violentes nous parle des dernières manifestations et nous fait comprendre sa frustration d’avoir l’impression de répéter les mêmes erreurs sans cesse : les Gilets Jaunes font du ping pong entre la préfecture et la place du Commerce. Nous voilà à la préfecture en milieu de cortège, nous ne voyons pas ce qui se passe plus loin mais c’est souvent à partir d’ici qu’éclatent les premières violences. Impossible pour nous de savoir qui dégaine en premier. En tout cas, nous entendons des grenades exploser puis des fumigènes qui éclatent. Manque de pot, ce ne sont pas des fumigènes mais du gaz lacrymo. Notre nez pique, nos yeux pleurent, notre visage est en feu… Les manifestants reculent en panique, en courant vers l’arrière pendant 10 secondes… Heureusement des personnes sont prévoyantes et nous aspergent le visage d’eau et nous donne du serum physiologique pour nos yeux. Une bonne partie des manifestants ont fait demi tour, mais d’autres restent sur place sûrement en signe de défi contre les forces de l’ordre. Nous au milieu nous sommes perdus. Rien, aucun slogan ne nous permet de comprendre pourquoi nous sommes là, sauf le fameux “Macron démission”. Après un moment nous faisons demi tour. Mais le mal est déjà fait, la manifestation est coupée en plusieurs morceaux et les policiers n’ont plus qu’à bien gérer les mouvements de foule pour nous diviser en de plus en plus petits morceaux.
Quelques minutes plus tard nous voilà dans la rue du Calvaire. Les forces de l’ordre, ici la BAC (brigade anti criminalité) est en prise avec ceux que je vais appeler “Les Violents” et a réussi à couper le cortège en deux. En remontant la rue une vitrine se fait fracuter par un petit groupe mais rapidement des Gilets Jaunes repoussent Les Violents et sécurisent la vitrine. Plusieurs fois, les forces de l’ordre lancent des lacrymos et des grenades provoquant un bruit impressionnant. En conséquence, les manifestants reculent, courent, paniquent… Je me détache du groupe, je ne supporte pas de ne pas voir ce qu’il se passe. J’arrive sur une place où sont Zara et H&M. La BAC est dans la rue de Budapest entre ces deux enseignes. Je m’avance et je dépasse la station Bicloo. Les forces de l’ordre me demandent de partir : “Dégage !” Mais ils ne me tirent pas dessus, je lève les bras, j’indique que je suis non violent et je m’assois pour montrer ma passivité. Me voilà donc devant la BAC, réputée pour être violente et que je ne porte pas dans mon coeur. Je lui tourne le dos, je regarde les manifestants et je leur demande de venir s’assoir à côté de moi ! Aucun ne vient, si ce n’est deux personnes complètement bourrées qui passent dans le coin par hasard… Le calme est de courte durée, 1 minute pas plus, mais les premiers à lancer des projectiles se sont Les Violents… Je suis en colère, je me lève pour les empêcher d’agir, un gamin (entre 15 et 20 ans) arme son bras pour lancer vers les forces de l’ordre un baton de TNT, je lui barre la route avec ma main et la baton tombe à nos pieds. Tout le groupe recule, moi de même et la TNT explosera 5 secondes plus tard, sans dégâts heureusement. Je suis en colère… Ils n’ont pas de Gilets Jaunes, ils ont entre 15 et 25 ans maximum, ils sont une dizaine, ils n’ont que la violence à la bouche, et ils continuent de lancer de derrière le mur des projectiles. Je suis toujours entre les forces de l’ordre et Les Violents et je m’aperçois que ma présence favorise Les Violents parce qu’ils sont intouchables tant que je reste devant eux. Mais je n’arrive pas à les empêcher de lancer… Ils me disent : “Dégage tu vas te prendre des grenades, ils vont te faire mal”. Sans se rendre compte qu’ils sont eux-même responsables des affrontements. Je décide alors de m’assoir, encore une fois sur le centre de la place. Mais cette fois si ça canarde des deux côtés. Je me retrouve au milieu, la BAC ne peut tirer dans ma direction et ne le fait pas… mais Les Violents n’hésitent pas. Je suis de quel côté ? J’avais envie de me retourner et de m’excuser auprès des forces de l’ordre parce que je les gênais. Parce qu’en face de moi, j’avais des gens qui ne pensent qu’à la violence, qu’à la haine anti flic et qui n’en ont rien à faire de moi, simple manifestant, non violent… Personne n’est venu me rejoindre, personne n’a voulu apaisé la tension. Je suis parti et la BAC a pu enfin charger les manifestants pour les dispercer.
De retour avec mes amis, nous repartons dans le centre ville vers la place du Bouffay. Je saigne un peu sur les doigts mais je ne sais pas pourquoi ! Je suis en colère contre ces jeunes, contre les gilets jaunes qui se laissent porter depuis 2 mois par Les Violents sans oser prendre en main cette manifestation. Ils se la font voler par des soi-disant anarchistes qui au lieu de chercher l’ordre, cherchent la violence et le désordre… Le seul slogan qui a été entonné plus de 20 secondes par la majorité des manifestants était le suivant : “Tout le monde déteste la police”.
Il est presque 17h et nous avons l’impression de jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre. Nous les croisons à chaque croisement de rue, ils ne sont pas violent, mais nous n’osons pas nous en approcher, nous cherchons donc à sortir d’ici sans en croiser. Je n’ai pas vécu la guerre, donc mon impression en fera sûrement bondir plus d’un dans sa tombe, mais j’ai l’impression d’être en guerre…
La fin de la manifestation est plus calme, mais nous avons le sentiment de ne servir à rien et de ne pas comprendre le sens de tout ce bordel. Nous partons mais avant nous allons à la rencontre de 3 policiers pour échanger. Ils nous écoutent leur dire que nous sommes des gilets jaunes non violents que nous regrettons les violences, et que nous ne les acceptons pas, nous leur souhaitons du courage pour la fin de la manifestation. Et un des policiers seulement nous répond qu’il y a une majorité de pacifiques dans les deux camps.
Au final j’ai l’impression que nous manifestons pour nous convaincre qu’il faut détester la police… J’ai vu en vidéo d’autres images dans lesquelles les forces de l’ordre, clairement, attaquent des manifestants qui ne sont pas violents. C’est de l’intimidation et nous ne nous en sortirons pas si nous répondons par la violence. Nous nous devons de réagir collectivement, nous nous devons d’être solidaires… Parce que les violences ne permettront jamais à TOUS les citoyens de venir partager notre lutte sur le terrain.
Bravo pour cet article et félicitations pour ce podcast super intéressant ! Comme je vous l’ai déjà dit, le format podcast est tellement génial, ça permet vraiment de se concentrer sur ce qui est dit et je trouve le format humain 🙂 (après, je pense que c’est aussi parce que les sujets que j’écoute porte sur des questions de société ah ah Merci Arte Radio notamment).
Je n’ai pas forcément grand chose à dire car tout était très clair, bien expliqué, aussi bien dans l’article que dans le podcast.
Ça m’a donné encore plus envie d’adhérer à une asso, tel que AVN-Cop21 ou Ende Gelände 😀 Le problème, c’est que Strasbourg (pour AVN), c’est pas si près pour moi et pour Ende Gelände, je veux que mon allemand s’améliore encore un peu. Mais j’espère y adhérer d’ici quelques mois et pouvoir participer à des actions ! 😀
Encore bravo pour tout et dans l’attente de lire les prochains articles et écouter les prochains podcasts ! 😀
Merci pour ton message. En tout cas, nous on sera surement au prochain événement d’Ende Gelände s’il y a. 🙂
On adore le format podcast aussi, on en fera d’autres. D’ailleurs petit teaser, on en a un sur l’école. Une amie a bien voulu nous parler de son expérience sur son enfance sans école.