C’est quoi un meilleur ami ?

par | 2 Oct 2019 | 1 commentaire

AAvec cet article, j’ai envie de te parler d’une expérience que j’ai vécue. Je dirais même : il faut que je te parle d’une rencontre, d’un lien puissant qui s’est tissé en seulement 2 jours. C’est lors de la dernière heure d’une formation sur les systèmes restauratifs que j’ai pris conscience de la chance que j’ai eue et de ce lien qui m’est déjà précieux.

Les mots sont des fenêtres, ou bien ils sont des murs. Ils nous condamnent ou nous libèrent.

Marshall Rosenberg

Restauration par le conflit

Tout commence il y a quelques mois, par un conflit dans un collectif avec une personne, un conflit qui paraît simple mais qui est important pour moi. Cette tension non résolue prend de l’ampleur chez moi et le groupe fini par demander une médiation. Je ne suis pas le seul à être en conflit avec cette personne, mais les besoins de médiation sont tellement différents, que nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord, ni sur la forme, ni sur le moment. De son côté, la personne en question veut faire appel aux cercles restauratifs. Mais n’étant pas formés, nous devrions attendre une formation qui aura lieu dans 4 mois. De notre côté nous voulons faire appel à l’équipe de médiation assez rapidement. Sans solution, sans écoute des deux parties, je me retire du collectif et elle, fait de même, de force. Le conflit n’est pas résolu mais le collectif peut repartir plus serein. Il me faudra un peu de temps pour y ré-entrer. Elle, n’y ré-entrera pas.

Du coup, les cercles restauratifs m’intriguent, à Nantes une formation le temps d’un weekend est proposé. Alors je me renseigne rapidement et voilà ce que je comprends. Les cercles restauratifs sont une pratique initiée par Dominic Barter à Rio de Janeiro dans les favelas. Il développe une méthode de gestion des conflits pour une communauté. Le conflit n’est plus vu comme quelque chose de négatif qu’il faudrait fuir, mais plutôt comme une phase naturelle d’une communauté et comme une opportunité pour comprendre l’autre. L’expression des tensions est un cadeau fait au groupe. Son travail est tellement remarquable que le système judiciaire brésilien s’est doté de sa méthode et propose aux personnes de choisir entre le système judiciaire classique ou le système restauratif. Finalement seulement 9 % des personnes interrogées sont satisfaites du système classique et plus de 80 % dans l’autre cas. Le système restauratif ne puni pas, il est là pour restaurer les liens.

Je m’inscris à la formation et à la conférence.

 

Si nous voulions vivre la démocratie, nous prendrions en amitié le conflit.

Dominic Barter

Amie ou connaissance ?

À la fin de cette formation, alors que nous étions invités à prendre la parole à tour de rôle pour exprimer une conclusion, un sentiment… je me suis retrouvé submergé par mes émotions. Il était impossible pour moi d’exprimer des phrases claires. Je me suis rendu compte, à ce moment, que j’étais venu pour avoir des outils pour aider les gens, et qu’en fait, je venais de trouver des soutiens pour m’aider à avancer.

J’étais surpris de constater que c’est en se connectant complètement aux sentiments et aux besoins de l’autre qu’on aide réellement cette personne. Surpris de pouvoir le faire en vrai et d’en voir le résultat, simplement par cette connexion et par mon écoute, et non par mes conseils.

Depuis, je me questionne sur ce que nous faisons entre amis. Je me questionne sur ce qu’est l’amitié, parce qu’en 2 jours nous avons eu la sensation de construire une grande amitié. Alors qu’est-ce qu’un meilleur ami pour de vrai ? Je sais que je peux lui dire n’importe quoi, il ne jugera pas, il ne me conseillera pas ou peut-être de temps en temps :), il m’écoutera tout simplement.

Alors c’est l’histoire d’une rencontre, d’un hasard… ou pas. Rien n’arrive par hasard. L’histoire d’une écoute, la vraie écoute, l’histoire d’une parole libre et authentique. C’est l’histoire d’une grande amitié naissante… Alors j’aimerais que cet article soit dédié à cette personne et à cette amitié.

 

Tout conflit est l’expression tragique d’un besoin insatisfait.

Marshall Rosenberg

Comment ça va, pour de vrai ?

Me voilà présent lors de cette formation, la personne qui m’a fait venir n’est pas là, parce qu’autre chose s’est greffé de plus important. Mais une autre amie me présente une de ses amies qui va participer à la formation du lendemain. Puisque je ne connais personne, c’est tout naturellement que nous faisons connaissance et que nous nous mettons côte à côte pour le début de la formation. Cette formation se veut pratique, et donc nous faisons régulièrement des binômes et des groupes de 4 à 5 personnes. Voilà, le cadre est posé.

Nous sommes là pour obtenir des outils sur la gestion et la prévention des conflits dans des groupes, pour créer avec une communauté un système restauratif. Pour comprendre la puissance et l’utilisation des outils nous avons fait plusieurs exercices. Celui qui m’a perturbé le plus, c’est celui-ci :
« Dans la vie tout le monde te pose la même question : Comment ça va ? Mais prenons-nous vraiment le temps de répondre et de répondre juste avec notre cœur ? Alors aujourd’hui prenons le temps de répondre à cette question, mettons-nous par deux, et chacun à notre tour nous répondrons à cette question : Comment ça va, pour de vrai ? et l’autre ne fera qu’écouter, sans parler. »

Nous avons fait l’exercice ensemble : 2 minutes pour moi et 3 minutes pour elle pour se rendre compte de la différence d’écoute et de parole. Pendant que j’explique comment je vais pour de vrai, elle m’écoute sans m’interrompre. Le silence est pesant parfois, mais nécessaire, il me permet de chercher plus loin que le « ça va, ouais », et si je suis authentique, elle apprend réellement beaucoup de choses sur moi. Ensuite on tourne et c’est à moi de l’écouter. C’est frustrant de ne pouvoir combler les trous, de ne pouvoir donner son avis, mais ça permet de rester concentré sur ce qu’elle dit et de ne pas penser à soi. Ça paraît vraiment bête comme exercice, c’est simple et peut être sans intérêt, et pourtant… il arrive de temps à autre à réveiller quelque chose.

 

Ce qui rend le conflit dangereux, c’est de s’en éloigner.

Dominic Barter

Try it !

Je t’invite à faire cet exercice avec une personne que tu connais ou que tu ne connais pas, peu importe, ça dépend de toi et de comment tu te sens à ton aise. Prends 2 à 3 minutes pour l’écouter, sans l’interrompre. Regarde-là, connecte-toi à elle. Se connecter ça veut dire ne pas penser avec sa propre expérience, n’essaie pas de penser à toi. Si les situations qu’elle te raconte te font penser à une expérience que tu as vécue, à ce moment-là tu sauras que tu n’es plus connecté à elle. Comprends-là, ne juge pas, tu verras ça changera ton regard, ça t’apprendra à écouter, pour de vrai. Par exemple : elle me parle de son frère qui est présent en ce moment à la maison, et en même temps je pense au mien que je n’ai pas vu depuis longtemps… À cet instant je ne suis plus avec elle.

En fait cet exercice pourrait s’intituler : « Dis-moi comment ça va pour de vrai parce que je vais t’écouter pour de vrai. »

Tu verras, il y aura des moments de silence, mais le silence une fois compris n’est plus gênant, vois-le plutôt comme un moyen de rentrer plus en profondeur dans nos êtres, de nous connecter à nos émotions et à nos besoins. Le silence c’est l’occasion de mettre du poids sur les mots que nous prononçons, de prendre le temps de se décoder, de prendre le temps d’écouter, de s’écouter et de se connecter. Tu sens que le silence prend son sens dans les discours politiques. Après un terme choc, souvent l’orateur fait le silence ainsi ce dernier mot a beaucoup de poids.

 

Si tu as fait cet exercice je suis curieux de savoir comment tu l’as vécu. N’hésite pas à mettre des commentaires en expliquant le contexte et surtout qu’est-ce que ça vous a fait à tous les deux.

Pour aller plus loin, si dans cet exercice nous ajoutons des ingrédients de Communication Non Violente (CNV) alors nous rentrons dans un exercice de profonde écoute intérieure, de compréhension de nos émotions et de nos besoins. Personnellement je connaissais la théorie de la CNV grâce au livre de Marshall Rosenberg : « Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) » mais c’était la première fois que quelqu’un la pratiquait avec moi et que les conditions étaient favorables pour que je la pratique.

Finalement, après deux jours à discuter pendant les exercices, pendant les pauses, pendant les repas, un lien s’est tissé et nous nous en sommes rendus compte à la toute fin. En vrai, c’était dérangeant qu’un homme et une femme qui ne se connaissaient pas, qui ne souhaitent pas sortir ensemble, soient si proches. Les gens pensaient, soit que nous étions ensemble, soit que nous étions frère et sœur ou amis. C’était comme inconcevable pour nous de tisser ce lien, c’était inattendu…

Avant de se quitter nous avons pris le temps de partager nos émotions, notre ressenti, savoir pourquoi et comment.
En fait, nous n’avons pas de réponse : « l’univers l’a voulu, je ne crois pas aux coïncidences » pourrait-elle dire.
Alors, nous avons fait un pacte : celui de toujours tout nous dire, sans jugement. Celui d’écouter l’autre quand il en a besoin, d’être un soutient, celui d’être des meilleurs amis pour de vrai !

Lorsque quelqu’un vous entend réellement sans vous juger, sans essayer de vous prendre en charge, ni de vous modeler, c’est délectable.

Marshall Rosenberg

Atelier Du Nous

A ma grande surprise après une autre formation j’ai noué un deuxième lien super puissant. Laisse moi le temps de le savourer, et je te le reconterai.

Yohan

Ecolo, militant, determiné à changer le monde et en quête de sens
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