Je suis Anarchiste ?
Ça fait un an que je bossais dans l’industrie automobile, paradoxal pour un écolo comme moi. Comme quoi rien n’est facile. Le besoin d’argent m’a contraint à mettre mes valeurs de côté pour travailler en prestation. Mais j’aurais pu faire mille autres métiers au lieu de celui-là. Mille autres métiers avec plus de sens. L’idée de départ, c’était de gagner de l’argent pour monter mon écolieu. Pendant 3 à 5 ans, je devais travailler dans ce système capitaliste, pour en extraire une partie de la valeur pour mon projet. Comme un hacker qui profite du système pour le détourner. Mais je n’ai pas tenu un an. À l’intérieur je n’ai pas vu une personne heureuse de son travail. Nous passions du temps à critiquer nos collègues : méfiance entre services, non-coopération… Malgré les chouettes personnes, les talents, le service n’arrivait pas à sortir la tête de l’eau. J’ai essayé à mon niveau de voir si je pouvais apporter des choses. Mais je n’y suis pas arrivé. Quand une personne me dit qu’elle ne veut pas dire bonjour à ses voisins et évite de leur adresser la parole, alors qu’elle manage le service, une autre qu’elle ne lira pas les livres sur la gouvernance partagée que je lui conseille parce qu’elle préfère le sujet d’auto/moto et qu’elle est mon manager, je me dis que c’est peine perdue. Je travaillais dans l’automobile et je faisais 2h de vélo/train pour me rendre au boulot le matin et le soir pour rentrer. Le malaise était profond, je ne pouvais pas rester dans ce genre d’entreprise. Alors j’ai pris la décision de démissionner.
Je travaille, j’ai un bon salaire. Même si le boulot n’est pas top du tout, j’estime que je ne suis pas à plaindre, alors je ferme ma gueule. Je ne pense pas pouvoir changer les choses, alors quand des choses ne vont pas, j’accepte. Mon travail me permet d’avoir des loisirs, comme les voitures et les motos. Je considère que j’ai une belle vie.
Pourquoi faire un saut dans le vide ?
Je me suis longtemps posé la question de ce que j’allais écrire dans mon mail de départ. L’envoyer m’a fait du bien, sans en imaginer les conséquences. À la suite de ce mail, j’ai reçu quelques messages de soutien de personnes que je ne connaissais pas. Oui, parce que mon mail a été envoyé à plus de 800 personnes… Mais voilà, tout le monde ne l’a pas reçu de la même manière. Et d’après ce qu’on a pu me rapporter, ce mail a déclenché quelques vives réactions et de sacrées discussions autour de la machine à café… Cette entreprise me surprendra toujours dans sa façon de traiter une crise… ou plutôt « un mail ».
Est-ce que j’ai juste lancé un petit caillou dans un vaste océan ? Je ne crois pas. Est-ce que mon manager peut être tenu pour responsable de ce mail ? Quel est la meilleure façon de faire changer les gens ? Un geste aussi anodin qu’envoyer un mail peut être à l’origine de nombreuses questions.
Cette démission me permet de me requestionner sur le travail, le salaire, le profit. Justement ARTE vient de sortir un nouveau documentaire : Travail, Salaire, Profit en 6 épisode. C’est éclairant ! Voici l’épisode 3 avec son titre “Le salaira nous asservit-il” qui est toute la réfléxion que je vais développer à la suite de l’article.
Depuis un moment, parce que j’ai des projets de vie qu’on peut qualifier d’alternatifs, je vois que j’ai du mal à m’extraire du système pour me lancer dans ce nouveau projet de vie. Plein de facteurs peuvent jouer, et depuis quelques années je cherche à m’en défaire progressivement. Quels sont les étapes et les freins, faut-il faire un choix radical, ou y aller progressivement ? Chacun a son avis, chacun aura son histoire, ici je vais partager la mienne.
Je travaille assez dur pour me payer 5 semaines de bonnes vacances ! Il y a pire et je considère que je peux partir où je veux !
Pourquoi je travaille ? Pour me payer des vacances !
Je travaille 35h, pour me payer un logement, une voiture, des loisirs… Je suis sur Terre pour un peu moins d’un siècle et je passe la plupart de mon temps à travailler, puis dormir. Entre ces moments, il y a des loisirs. Durant mon enfance j’ai étudié à l’école pour faire de moi une machine rentable à la société. Pendant 45 ans je suis rentable et quand je ne le suis plus, j’ai du temps, mais j’ai moins de force pour m’occuper de moi-même. Récemment j’ai entendu dire que nous vivions en bonne santé jusqu’à 75 ans, soit 10 ans après le départ à la retraite. Sur ces sujets, Pierre Rabhi raconte toujours deux histoires qui me font rire :
De la maternelle à l’université, on est enfermé (on appelle cela le « bahut »), puis tout le monde travaille et vit dans des « boîtes » plus ou moins petites ; pour s’amuser, on va en boîte et on y va dans sa « caisse » ; enfin, on rentre dans une boîte à vieux et on retrouve la dernière boîte que je vous laisse deviner !
Un pêcheur vient de finir son travail, sa barque est amarrée à côté de lui sur le bord d’une plage, son filet est étendu dessus et lui, il se repose. Passe un homme sérieux, qui regarde la barque :
« Monsieur, vous devriez être en mer à cette heure-ci !
– Pourquoi ?
– Enfin, pour gagner votre vie, vous n’arriverez jamais à rien en restant là à faire la sieste. Elle est à vous, cette barque ?
– Oui
– Oh, mais elle est petite
– Oui, elle est…
– Vous pourriez en avoir une plus grande.
– Et après ?
– Ben, après, vous pêcherez beaucoup plus de poissons !
– Et après ?
– Vous aurez gagné tellement d’argent que vous pourrez acheter un bateau encore plus grand !
– Et après ?
– Vous embaucherez des gens pour faire le travail à votre place…
– Et après ?
– Vous vous reposerez !
– Eh bien, c’est ce que je suis en train de faire. »
Pourquoi vivre pour gagner de l’argent, pourquoi vivre vraiment seulement 5 semaines par an ? Quand j’ai fait ce constat, j’étais encore en école d’ingénieur. Je me disais que mon boulot ne me plairait jamais et que la majorité de la population était dans mon cas. J’ai passé mon diplôme en me disant que je ferais autre chose mais quoi ? Marcher avec mon sac à dos, faire du stop et aller là où le conducteur m’emmènera ? Mais je ne me suis jamais lancé ? Parce que je pensais qu’il fallait de l’argent pour se lancer. Alors j’ai travaillé en gagnant pas mal d’argent, 32 000 € par an, sans mettre un sous de côté parce que la vie parisienne m’a finalement aspiré.
Au début je ne pensais juste qu’à moi et partir en solitaire, je me disais : « le collectif c’est barbant et ça ralenti. Il faut faire des compromis, discuter… ça crée des tensions, il faut les gérer… En fait nous ne sommes pas faits pour vivre en collectif ». C’est d’ailleurs la réponse que j’entends le plus souvent. Puis, j’ai rencontré plusieurs personnes qui m’ont fait changer de futur, d’autres possibilités se sont ouvertes à moi. D’autres envies comme celle de la stabilité d’un couple et d’une situation. J’ai mis de côté l’envie d’itinérance pour une vie construite, une vie plus sûre, à deux, puis à faire des projections pour fonder une famille. Mais au fur et à mesure mes envies premières reviennent. Se mélangent l’envie de voyage et d’ancrage… Puis progressivement, le cadre de vie que nous impose la société, que nous acceptons obligatoirement à notre naissance, ne me plaît plus et je commence à remettre en question des tas de choses.
Une vie stable comme la majorité des gens l’entendent ? Un couple, un mariage ou un PACS, 2 enfants, un chien, une maison à la campagne, 2 voitures, un boulot à la ville, les courses au supermarché… Très peu pour nous !! Enfin, nous avons plutôt envie d’une vie qui permet de s’extraire de ce système. L’idée aujourd’hui ce serait de m’ancrer à un endroit avec d’autres personnes. Me reposer les questions de mes besoins et du sens de la vie, ne plus posséder… plus je pousse le raisonnement et plus je me sens vouloir vivre l’anarchisme.
Tout seul je vais vite, Ensemble on va loin
Alors le but pour nous deux aujourd’hui c’est de trouver des solutions pour s’extraire des dépendances du système capitaliste, du système consumériste, pour faire attention à nous et à la Terre. Pour montrer l’exemple, et proposer un cadre de vie sain pour les enfants. La vie à la ville nous déconnecte de la Terre et des plaisirs simples, je pense qu’elle nous déconnecte du bonheur. Paradoxalement c’est quand nous vivons avec beaucoup de gens autour de nous que nous sommes le plus individualiste. La quantité d’interactions sociales se fait au détriment de la qualité. Pouvons-nous vivre heureux avec autant de bitume ? L’envie de changer nous prend, se changer personnellement, changer notre mode de vie, changer notre environnement… Mais pourquoi est-ce si dur de changer ?
Ce système est presque parfait, le récit qu’il porte fait rêver, surtout pour nous, les occidentaux. Mais derrière se cache la misère. Une des clés pour perpétuer ce système c’est le travail. La valeur « travail » est la plus grande valeur de notre système mondialisé. Si tu ne travailles pas tu es un parasite pour la société, surtout si tu touches des aides sociales…. Surtout si tu as l’air heureux ! Je définirais le travail comme cela : « faire quelque chose en échange d’argent ». Si tu fais une activité qui n’implique pas de rémunération alors en réalité tu ne travailles pas.
Prenons deux exemples : si tu fais ton jardin, ou si tu le fais faire par quelqu’un, ce n’est pas perçu de la même façon. Une maman qui s’occupe de son enfant n’est pas rémunérée, alors qu’une femme qui s’occupe d’autres enfants l’est. Pourquoi, alors que nous faisons la même chose, nous considérons que dans un cas c’est du travail et dans l’autre non ? Dans un cas tu peux être qualifié de parasite et dans l’autre tu vas enrichir la société de ton activité ? L’argent est le pilier de notre société et il est passé d’un moyen d’échange à un but dans la vie.
Pourquoi gagner de l’argent ? Me nourrir, me loger, m’habiller sont les besoins les plus primaires. Mais surtout je travaille pour gagner assez pour payer 5 semaines de vacances ?! 5 semaines en France ou à l’étranger et en fonction du revenu de chacun les vacances seront plus ou moins chères, plus ou moins loin… Je reviens de mes vacances et déjà j’attends avec impatience les suivantes. Alors pourquoi attendre ? Est-ce que cette situation me va ? Est-ce que ce n’est pas la société qui finalement nous empêche de voir les choses différemment ? Pourquoi, si j’ai 6 semaines de congés, je me sens un privilégié ? Pourquoi avec mon salaire de plus de 2000€ je ne travaille pas que 4 jours sur 5 ? Gagner un bon salaire devrait me permettre de diminuer mon temps de travail. Au lieu de cela je vais soit accumuler, soit dépenser. Dépenser parce que la publicité m’en donne envie, parce que mes amis le font. Accumuler par peur, mais peur de quoi ? Plus j’ai peur plus je suis seul, et plus je suis vulnérable, alors pour compenser cette peur j’économise. Mais est-ce que si je prends le temps de m’entourer des bonnes personnes, la peur pourrait disparaître ? L’entraide serait une solution miracle à mes peurs et je me sentirais moins seul ! Pourquoi avons-nous ce besoin de sécurité ? Comment s’en défaire ?
Et je pense aux autres personnes qui travaillent autant que moi et qui n’arrivent même pas à se payer des vacances…
Finalement, je ne prends même plus le temps pour réfléchir à ma situation. Je l’accepte en continuant mon rythme effréné. Mais je me pose quand même une question sur ce monde : c’est prouvé, nous produisons assez et nous construisons assez pour nourrir et loger toute la population mondiale. L’humanité se veut être solidaire, alors pourquoi pour se nourrir, pour se loger et pour s’habiller nous devons travailler ? Cela veut dire que nous devons mériter notre repas, et notre toit. Cela veut dire que nous devons mériter de rester en vie ?!
Quel est l’objectif de l’humanité ?
Quel est le but de la vie ? Quel est le but de l’humanité ? Que cherchons-nous à faire individuellement et collectivement ?
J’aimerais que le but premier de l’humanité soit de nourrir, loger, habiller tous les gens sur Terre, j’appelle ça la solidarité pour l’humain. J’aimerais que chacun puisse compter sur l’autre et vivre en paix… Belle utopie… Ensuite c’est que l’humanité ne prélève pas plus que ce que la Terre peut produire. Ça c’est l’écologie.
Prenons-nous-en la direction, quand chaque achat en France se fait au détriment de la misère de peuples pauvres ? Prenons-nous-en la direction quand des milliards d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, alors que l’agriculture aujourd’hui pourrait nourrir 12 milliards d’individu, et que des riches paradent en yacht, hélicoptère, jet privé ? Prenons-nous-en la direction quand nous restons indifférents et pires nous encourageons la noyade de milliers de personnes dans la Méditerranée, parce qu’ils ne sont pas nés assez proche de nous ? Prenons-nous-en la direction quand chez nous des gens vivent et meurent dans la rue ? Prenons-nous-en la direction quand un paysan qui nous nourrit gagne 350 € par mois et moi qui fabrique des phares de voitures, je gagne 2 100 € par mois ? Est-ce que mon salaire n’est pas indécent ? Et pourtant c’est le symbole de la liberté.
Mais finalement mon salaire aussi grand soit-il m’aliène et contraint mes libertés. C’est quand je réduis mon salaire que je me sens plus libre. Plus libre parce que j’apprends à vivre avec moins et donc j’apprends à réparer moi-même, à coudre, à fabriquer mes produits, à récupérer des invendus et à faire à manger avec des produits sains. Je me sens libre en faisant plus de choses moi-même, n’est-ce pas paradoxal ? Nos parents se sont sentis plus libre en ne faisant plus ces choses-là, en gagnant assez pour ne plus faire ça eux même… Mais la vie sans ces petites choses m’a l’air insensée. C’est à dire que ma vie aujourd’hui ne m’apporte aucun sens, et que réparer, faire moi-même, m’apporte du sens.
Si je fais moi-même, je peux passer à 4 jours de travail au lieu de 5 puisque mes dépenses diminuent. Comme je gagne une journée je peux faire pousser mes légumes et donc encore réduire mes dépenses et mon salaire et passer à mi-temps. De fil en aiguille j’arrive à être de moins en moins dépendant de l’argent à gagner par le travail et ma consommation devient plus sobre, mes besoins aussi.
Alors, je passe plus de temps à faire des choses qui peuvent paraître sans intérêt dans un monde de ressources illimitées. Mais ce sont des choses nécessaires dans un monde où la civilisation aura atteint les limites des ressources de la planète. Réparer, cultiver, s’aimer, accueillir...
Moi je me suis senti libre pendant mes périodes de chômages. Mais la société refuse ma liberté ? Est ce que la société refuse la liberté ? J’ai radicalement changé ma façon de consommer. J’achète de la meilleure nourriture, bio et locale. Alors mon budget bouffe est plus grand, oui. En fait, je consomme l’équivalent de deux iPhones par an dans l’alimentation. Ma priorité c’est ma santé et ma nourriture en fait partie.
Je ne veux pas de smartphone, c’est du temps en moins pour moi. Au lieu de passer du temps sur les réseaux sociaux ou à regarder une série et à pester contre le manque de temps, je préfère réfléchir à mon prochain repas et le cuisiner.
Un iPhone, ça représente pour moi 6 mois de bouffe bio, locale, en vrac.
Un smartphone me rapproche d’une quantité d’amis incroyable mais ça m’éloigne de ceux qui m’entourent directement, ceux de mon quartier, de ma ville avec qui je devrais construire notre monde. La quantité de relations se fait au détriment de la qualité.
Avec un smartphone, comme je reste le nez dessus, je ne peux pas voir la beauté du paysage sauvage, la mocheté du paysage urbain (purement subjectif), la beauté, les sourires des visages des autres, l’aliénation de ceux qui sont sur leur téléphone, les yeux de ceux qui me regardent.
Avec un smartphone je peux faire de magnifiques photos, surtout avec ma tête dedans, mais sans smartphone, je vis le moment et la photo s’imprime dans mon esprit à jamais. C’est parce que plus tard l’image dans ma tête sera floue que ce moment sera encore plus merveilleux.
Sans smartphone j’ai pu réfléchir à ma vie, à mon autonomie, à mes besoins, j’ai pris le temps de lire des livres instructifs.
Je ne possède pas d’iPhone, ni de smartphone, c’est un acte politique aujourd’hui et pourtant je pense que je suis très actif.
En même temps ça veut dire quoi posséder quelque chose ? Posséder un objet quand c’est fabriqué par des enfants et des adultes vivant dans la misère, n’ayant pas les moyens d’acheter de la nourriture ! Ça veut dire quoi posséder ? Posséder un terrain, une forêt ? Si je suis anarchiste je ne souhaite plus rien posséder et même mon terrain ou ma maison !
La propriété
La propriété c’est le vol
Comment pouvons-nous posséder une forêt, de la terre ? Comment avons-nous pu posséder des esclaves ? Est-ce que nous possédons nos enfants ? Comment je peux posséder une entreprise où des milliers de gens travaillent ? Comment se fait-il que je puisse posséder une maison en bord de mer et ne pas y vivre toute l’année alors que des gens dans ma ville vivent sans toit ? La propriété nous fait devenir fous, tellement fous que quand l’esclavage a été aboli ce sont les propriétaires d’esclaves qui ont été indemnisés… Que certaines villes sur la côte sont vides l’hiver et bondées l’été !
Tout le monde devrait être le propriétaire de là où il habite. Ce système est malsain. Moi locataire je vais payer un loyer à un propriétaire toute l’année. Peut-être me louera-t-il sa maison secondaire pour mes vacances ? Peut-être est-il actionnaire de la boîte dans laquelle je travaille. Ainsi l’argent que je lui donne lui permettra de continuer à posséder des biens et moi je ne pourrai pas facilement accéder à la propriété, sauf en passant par des banquiers et ensuite en prenant la place du propriétaire qui loue sa maison…
Argent = liberté
Plus j’augmentais mon salaire et, paradoxalement, moins je me sentais libre. Pourquoi, alors que la société nous présente l’accumulation comme une liberté moi je le percevais comme une privation ? C’est vrai, je peux m’acheter une voiture symbole de la liberté absolue, mais je passe du temps sur la route pour aller toujours plus loin ! Voir mes amis à 1h, aller au boulot en 1h… Puis nous vivons dans un pays plutôt égalitaire alors si je me sens au-dessus du lot, l’argent devient tabou. J’ai de l’argent, alors je vais le cacher, je vais avoir peur d’attiser la convoitise des autres, je vais me faire plus discret, ne pas en parler en public, je deviens méfiant. C’est ça gagner de l’argent et être libre ?
Finalement je ne suis pas si libre, parce que mon temps de loisir se trouve diminué par mon travail (si mon travail ne me plaît pas). Je suis libre d’acheter n’importe quel vêtement, mais si je ne regarde pas d’où il vient et comment il a été fabriqué je risque de nuire à la liberté d’autres. L’argent chèrement gagné, ne l’est pas par plaisir puisque mon boulot ne me plaît pas. Alors je me dis que je le mérite et qu’il vaut bien sa peine. Du coup, je veux de moins en moins le partager.
Le système est un poison qui ne nous permet pas facilement de nous en extraire. Parce que nous, occidentaux, nous vivons dans un certain confort, nous fermons les yeux sur la maltraitance que nous faisons subir et sur l’aliénation de nos libertés. Alors pour en sortir, c’est le parcours du combattant. En plus de se battre pour sortir du système, il faut se battre contre la pression des amis et de la famille et pire encore, avec nous-même. Pendant toute notre enfance, nous avons grandi avec l’idée de se créer un environnement de sécurité : le CDI, un bon salaire, vivre dans la ville, faire une industrie contrôlée… La sécurité à travers le travail.
Démissionner de son entreprise c’est instable. Sans chômage, sans revenu, il faudra trouver des solutions rapidement avant le jour du départ. Démissionner est finalement presque interdit, pas souhaitable, comme si ce n’était pas concevable de ne pas être bien dans son travail et de vouloir soi-même en changer… Comme si tu devrais te satisfaire de ce que tu as, même si tu déprimes.
Mais pour demain j’ai un grand projet, celui de vivre dans une communauté de personnes, où l’entraide est une des valeurs principales, où nous cherchons l’autonomie en nous reliant à d’autres communautés. Et pour se lancer, j’ai besoin de me questionner sur ma relation à l’argent, au temps, au travail, à la propriété, à la famille, à la vie. Ce chemin sera long, il sera semé d’embûches, il y aura des échecs lamentables mais aussi de belles réussites. Le chemin sera plus important que l’objectif et un des premiers pas aura été de démissionner.
Pour finir, je me souhaite de prendre plaisir à entreprendre ce voyage et de savourer chaque moment. Le Yohan de demain sera sûrement différent de celui d’aujourd’hui. Ça te paraîtra peut-être absurde, risqué, impossible, mais pense à trois choses : je ne partage pas ton avis. 🙂 Je pense que c’est possible et enthousiasmant. Et puis, je fais ça pour mon bien !
Et toi, tu fais quoi pour ton bien ?