Histoires de colocs

J 3 : J’ai peur ! Trump va peut-être être réélu. Enfin, c’est pas encore fini mais c’est possible. Dans nos magasins, les livres sont enrubannés, on ne peut plus les acheter… Y’a des gens qui, sous prétexte religieux, tuent d’autres personnes. Alors que d’autres, parce qu’ils sont juste cons, détestent les gens qui sont différents d’eux comme les noirs, les homos, les écolos… En plus on ne pourra plus poser avec des forces de l’ordre pour prendre des photos dans la rue. On ne peut plus bouger de chez nous. Nooooooonnnn… désespoir total.

Bon, on rigole bien quand même à la maison. Arthur a proposé de nous lire les lois qui ne servent à rien : alors, pendant le confinement, tu peux prendre le train. Mais fais gaffe, les bisous sur les rails sont interdits. On vient d’acheter un cheval à la coloc. C’est pour que Christina, Julie, M-A et Margaux puissent porter un pantalon, sinon c’est interdit… Ah non, en fait la loi a été abrogée en 2013… ouf ! Bon, on a quand même gardé le cheval. Il est dans le jardin et Fabien vient de lui trouver un compagnon : « Napoléon », un cochon tout mignon, mais chut… C’est interdit de l’appeler par son prénom… On est d’accord que Macron est notre roi ? Alors, on vient de s’équiper d’une botte de foin au cas où ils passerait avec son cheval. On ne sait jamais. 🙂 Je viens de comprendre pourquoi je me suis fait viré de ma boulangerie… Les boulangers parisiens ne peuvent pas prendre leurs vacances quand ils le veulent… Il faut que personne ne soit en manque de baguette lors des repas pendant l’été. Alors les boulangeries sont réparties en deux groupes : les juilletistes et les aoutiens… Je crois que mes patrons ont appliqué ça pour septembre et octobre…

Bon, on a décidé de bien prendre en compte les directives de l’État sur les choses qui sont essentielles. Alors depuis aujourd’hui, on est tous à poil à la maison puisque les vêtements ne sont pas essentiels… J’espère que la production d’électricité et de gaz le sont… Parce que sinon on va se geler les miches… Par contre, à ce qui paraît on risque une amande de 15 000€ et 1 an d’emprisonnement si quelqu’un nous voit dans cette merveilleuse tenue… Je ne sais plus quoi faire… Je comprends pas !
On vient d’enrubanner nos jeux de société et nos livres, et le seul moyen de les utiliser c’est de faire du « click & collect ». On vient de créer une plateforme que Dan gère. Il reçoit une demande, puis on prend RDV avec lui pour pouvoir retirer l’objet. Le temps de collecte est estimé à 2 semaines par contre… on a des trucs à revoir dans la logistique. Du coup on achète tout sur Amazon, c’est plus efficace.
Aussi, maintenant on mange par terre, puisque les tables et les chaises ne sont pas importants. D’ailleurs la vaisselle est aussi enrubannée. Heureusement on achète des repas déjà préparés dans des emballages en plastique (anti-COVID) qu’on met au micro-onde. C’est trop bien, mais il faut attendre pour le manger, parce que ça brûle un peu les mains de manger avec les doigts. C’est rapide et c’est bio : que demander de plus ?! Par contre, comme la poubelle n’est pas essentielle, tous nos déchets de ces repas préparés traînent dans la cuisine. Ça fait une sacrée montagne…
Tiens, je vois Julie rentrer avec la tondeuse, elle vient de raser le jardin puisque les fleurs ne sont pas essentielles non plus. Malheureusement, les courges et nos légumes y sont passés aussi puisqu’ont fait un potager en permaculture et qu’on mélange les légumes, avec des herbes et avec des fleurs… Putain d’écologie ! On aurait dû faire de la monoculture de maïs… Est-ce que les moustiques sont essentiels ?

NOOOOOONN !!! Horreur…. Je viens de voir qu’on a plus de lave-vaisselle ni de machine à laver… Mais comment on va faire ? Arthur, qui m’entend crier, me dit : « Mais Yohan, t’es con ma parole, tu aurais besoin de mettre quoi à la machine si tu restes à poil à la maison ? Et le lave-vaisselle, tu le remplis de tes mains puisqu’on a plus d’assiette ni de couvert… ? » Il est pas bête…
Heureusement mon smartphone et mon PC sont essentiels, sinon je ne vois pas comment je ferais pour survivre pendant cette triste période !
Bon allez, je vous laisse : j’ai commandé un Mcdo avec UberEats !

J 2 : Deuxième jour dans cet asile de fou… Nous avons fini la journée par une réunion au sommet pour savoir comment nous allons vivre ça ensemble. Au bout de 2h, on est tombé d’accord sur le fait que ce n’est pas la peine de discuter, mais juste de le vivre. Ensuite on a pris les paris pour savoir quand est-ce qu’on va être déconfinés. Chacun s’est positionné : 1er décembre, 16 décembre, 25 décembre, 31 décembre, 16 janvier, 29 février, jamais, aujourd’hui. De quoi perdre toute notre tune !
Nous avons tout un programme pour le confinement : on va aider Arthur à poser les divisions à la main, moi j’ai besoin de savoir placer les virgules dans mes textes, on m’a offert un Bescherelle et un des 50 dictionnaires Le Robert pour apprendre à écrire sans faire 2 fotes part maux. Pour Dan, l’ancêtre de la coloc (c’est lui qui nous fait respecter le quota de vieux), on va lui apprendre à faire des recherches sur écosia. Fabien va nous faire un cours commun pour utiliser les théorèmes de Pythagore et de Thalès dans la vie de tous les jours, parce que ça va changer notre vie. Beau programme en perspective.
À 12h12 on entend la cloche sonner : c’est l’heure de manger comme le dit bien Obélix dans les 12 travaux d’Astérix. À midi 12, c’est l’heure de manger ! Bon, par contre, grosse déception… on n’a pas de sanglier, parce qu’on a décidé de manger principalement des légumes à la maison… Quelle bande de biobio écolos ! Mais je sens une vague de révolution rouge capitalisto-viandar à la maison. Margaux nous dit que le végétal ça fait péter. Hier certains colocs, dont je tairai les noms pour les protéger d’une lapidation par la courge, ont mangé une bonne pièce de viande. Cuite avec des échalotes et une bonne dose de sel pour relever le goût… Ah, et on vient d’augmenter le budget bouffe à 2€ par repas, de quoi enrichir les super méga puissances du biobio…
Ça devient n’importe quoi dans cette maison et seulement après 2 jours : Dan part au marché sans acheter des légumes. Fabien écoute du métal à fond comme s’il était tout seul à la maison et comme si cette musique faisait consensus… D’ailleurs, je prévois une petite gestion par consentement pour choisir la musique d’ambiance ! Christina lâche des rôts à faire réveiller les morts pour, je cite, « exorciser les démons en elle ». M-A nous fait croire qu’elle va travailler. Julie s’échappe de la maison au crépuscule pour revenir le matin avant l’aube. Je pense qu’elle se transforme la nuit… Arthur montre sa lune à tout le monde et une rumeur dit que Julie l’a déjà vue et qu’elle s’est transformée. Moi, je suis allé faire des courses pour acheter des choses que je n’ai finalement pas achetées, c’est pour fomenter une révolution alimentaire à la coloc, pour manger des préparations à base de chocolat et de cornichons. Que de bons ingrédients en somme !
Je viens de télécharger des tonnes de jeux vidéo pour ne pas m’ennuyer : Rayman 1, Rayman Origins, Dongeon de Naheulbeuk, Spyro, Crash, DOOM, Celeste, Sonic, Télégram, Mozilla, Microsoft Teams, Zoom et mon préféré : There is no game ! Oui je sais, certains ne sont pas des jeux -_- mais grâce à eux je ne pense pas m’ennuyer. Ce qui est bien, quand j’ai une diversité de jeux comme ça, c’est que j’ai du temps pour jouer, et Dieu seul sait (et moi aussi… et les colocs aussi en fait) que j’en ai du temps, mais je ne sais pas lequel choisir. Alors je ne joue pas…
Ah… je me rappelle du temps où je pouvais prendre le RER en marchant et en appelant mes amis en même temps. Le temps où on pouvait se poser dans un parc, avec du soleil et se laisser bercer par nos 5 sens. Se toucher les mains, sentir l’odeur des plantes, voir un visage en entier, se perdre dans les yeux de l’autre, voir des sourires, écouter les douces mélodies de la nature et des discussions légères… Mais, c’est fini tout ça ! Maintenant, on passe notre temps à “bosser” devant notre computer sur l’internet ou plutôt à scroller sur Facebook… à discuter sur Zoom ou, comme moi, à écrire ces satanés journaux de confinés parce que je ne sais pas choisir un jeu et que je suis un assisté au chômage.
C’est décidé : demain je prends mon courage à deux doigts et je prépare une révolution !
À demain… ou pas.
PS : Si je suis en garde à vue, vous venez me chercher à la sortie ? 🙂

J:1 : C’est bon, nous sommes officiellement confinés, à Nantes il fait gris et il pleut. La température extérieure est de 15 °C. Tout est normal.
Comme on est 8 à la maison on essaie de respecter les consignes de sécurité. Sur chaque salle nous avons identifié le nombre maximum de colocs par pièce. Dans les toilettes nous ne pouvons être qu’un à partir de maintenant. On vient aussi de rajouter un délai maximum : pipi c’est 2 min et caca c’est 5 min. Parce qu’il y en a qui abusent. On vient de configurer une minuterie. Si la lumière s’éteint toute seule, c’est trop tard. Le coloc finira dans le noir ! Dans la cuisine c’est 2 maximum, dans le salon 4. Donc on ne peut plus faire des soirées jeux ou films tous ensemble… Dans les chambres c’est un par chambre, donc les couples ne dorment plus ensemble, mais heureusement on a des lits supplémentaires, pas de visiteurs non plus. On met des masques et nous avons mis du gel alcoolique à boire un peu partout dans la maison pour oublier et purifier notre corps.
Deuxième drame : on vient de s’apercevoir que nos stocks de PQ ne tiendront pas. C’est la panique dans la maison, Julie cours dans la maison en criant et en levant les bras, Arthur vient de se mettre à poil en panique, Yohan est allé se cacher sous une table, Dan est parti compter ses livres, Armel imite le cri de tous les animaux connus en même temps, Christina vient de manger toute la nourriture dans le frigo, Fabien essai de s’encorder lui-même, M-A est en train de jeter les livres et les jeux de société par terre… On dirait un asile psychiatrique. Heureusement Dan revient avec un stock de 50 dictionnaires Le Robert qu’il avait mis de côté en cas de catastrophe planétaire. On reprend nos esprits tranquillement et là Julie, calme et tranquillement, nous dit qu’en fait les magasins sont ouverts, il faut juste une dérogation. À ce moment Yohan tout content revient du jardin avec toutes les feuilles du figuier dans les bras…
Le confinement va être long !

J:0: Aujourd’hui, c’est l’annonce du confinement. Oui ! Avec notre grand réseau on savait ce que le Président allait nous dire, avant tout le monde. Bon faut dire qu’on ne pouvait qu’avoir raison. Entre l’un qui dit : confinement que le weekend, l’autre couvre feu à 18h et le dernier confinement pendant 4 semaines… Ah si, et un a annoncé la création de 10 000 lits d’hôpitaux… Lui on l’a viré de la coloc, le naïf !
Bon, voilà on écoute Macron, le champagne est prêt, les confettis aussi. Qu’est-ce qu’il parle trop, nous on veut juste fêter l’annonce. Bon en vrai c’est juste une occasion pour ouvrir le champagne, les bières et le vin. BIMMM, Macron annonce le confinement, Fabien sabre le champagne sans le sabre, et on trinque au nouveau confinement à moitié heureux et tristes.
Cette fois-ci, on ne nous la refait pas à l’envers. Les colocs qui auraient l’envie de déguerpir chez papy, mamy, tata, tonton, papa, maman, amis imaginaires ou à la campagne nous les attachons dans la cave. Fabien sort les cordes, je sors mon fouet, là on se regarde avec Fabien, et on sent un mélange de peur et de rire : on a peur qu’un coloc simule une fugue juste pour être attaché ! Et là Dan nous regarde et part en courant avec son sac à dos Bob l’éponge…

Le lendemain matin, on regarde par la fenêtre, pas de zombis… La maîtresse Christina nous appelle tous. Arthur : présent, Julie: présente, Armel : présent, M-A : présente, Yohan : présente, Fabien : présent, Dan : … … Ah oui ! Il est à la cave on le remonte !
On ne sait pas s’il faut être triste ou joyeux. La plupart vont continuer de travailler, et d’autres vont continuer à rester au chômage. Rien ne change pour nous, sauf qu’on va voir TOUTES nos bouilles tous les soirs.
C’est le branle-bas de combat, on s’organise : qui va acheter les bières, le vin ? On prend une tireuse et des fûts ? Il faut prendre du fromage pour tenir. Armel part acheter en speed des BDs, Chris et moi on s’apprête pour ramener des jeux de société et des livres, Arthur réfléchi à quels jeux vidéo on a besoin pour se poutrer la gueule et je crois que BroForce est en tête de liste, on a aussi Rayman Origin, Street of rage 4, et la ps3 qui dort dans les cartons… Bref pas le temps de s’ennuyer. Je propose de profiter du confinement pour faire plus de réunions, je crois que j’ai failli être bâillonné dans la cave. Fabien compte ses cordes, M-A regarde si on a assez de vivres pour résister à l’épidémie, Julie regarde la météo et dessine partout sur les murs des arbres des animaux et des oiseaux.
Mais là c’est le drame… Arthur commence à ne pas se sentir bien ! On va le voir et il nous dit en pleurant qu’on ne pourra pas aller à Disney le 6 novembre comme on avait prévu ! Là on se regarde tous et on chiale comme des enfants. Mais Julie très pertinente nous propose de se déguiser en princesse ce jour-là et de faire une journée dessin animé Disney à la maison, surtout qu’Arthur à un abonnement Disney +. Ça nous rassure et on passe à autre chose.