Permaculture : La ferme du bec Hellouin
Comment deux néo-ruraux sont arrivés à rendre productif et rentable un sol pauvre et médiocre en quelques années ?
Ce livre n’est pas un guide sur la permaculture, c’est plutôt un livre témoignage. Perrine et Charles Hervé–Gruyer vont mettre en pratique les principes de la permaculture, au départ sans le savoir, pour cultiver la terre sur une surface réduite.
À partir de livres, d’internet, de voyages, de rencontres, de choix, d’éthique, de travail, d’acharnement, de persévérance, ils vont transformer une terre impropre en une oasis de biodiversité rentable, merveilleuse et belle. Le beau est important, rien n’est laissé au hasard.
Les inspirations sont diverses mais nécessaires pour ces deux personnes qui ne connaissent pas l’agriculture : Charles a voyagé en mer toute sa vie et Perrine est juriste. Charles a fait le tour de la Terre en voilier et pendant ses multiples voyages s’est rendu compte de la petitesse de notre astre et de son état de santé.
Ses premiers inspirateurs sont des enfants d’Amazonie : Yoïvet en Guyane montre comment, avec une fine connaissance de son environnement et de la nature, il est capable de remonter un courant d’eau puissant à la force de ses bras et surtout de son intelligence. Comment en Amazonie, des enfants, tout en cueillant abondamment, ne se retrouvent jamais en pénurie alimentaire ?
En 2004, une fois installé à la ferme, d’autres lectures, d’autres rencontres vont faire évoluer ses pratiques. Je les présente ici.
« Ayons la sagesse de ne pas oublier que toutes les grandes civilisations de l’humanité se sont construites sur les terres les plus fertiles et qu’elles se sont effondrées lorsqu’elles les ont épuisées. »
Le guide de démarrage pour le couple est le livre de John Seymour : Self Sufficiency et sa vie en autarcie.
C’est en 2008 qu’ils prennent connaissance de la permaculture à travers les ouvrages des fondateurs : Bill Mollison et David Holmgren. Naîtront alors les jardins en mandala, les îles jardins, les expérimentations de la culture sur butte et l’application des principes de la forêt jardin.
Ensuite vient la lecture de Sepp Holzer, un Autrichien qui, à 1500 m d’altitude, fait pousser une multitude de fruits et légumes alors que ses voisins ne plantent que des conifères. Depuis 1962 il a redessiné son habitat, la montagne, les mares… Sepp a écrit un livre : La Permaculture de Sepp Holzer : guide pratique pour jardins et productions agricoles diversifiées. Il est devenu une référence dans l’agriculture alternative.
C’est ensuite Patrick Whitefield avec son ouvrage : Earth Care Manual qui inspire Charles et Perrine en se fondant sur l’approche permaculturelle adaptée aux pays tempérés d’Europe.
La lecture de John Jeavons, How to Grow More Vegetable Than You Ever Though Possible On Less Than You Could Imagine, instruit le couple avec les 40 ans de recherche de son organisation : Ecology Action. C’est grâce à l’expérience d’une multitude de maraîchers parisiens que le maître de Jeavons, Chadwick, se forme et étudie.
Puis c’est avec Eliot Coleman et son ouvrage The Winter Harvest Handbook : des légumes en hiver que Charles s’inspire. Les deux hommes se rencontrent finalement et le retour d’expérience permet à Charles de cultiver encore plus intensément. Eliot, américain d’origine, passe beaucoup de temps en France en 1974 dans la banlieue de Paris à Blainvilliers dans le jardin de Louis Savier pour parfaire sa connaissance de la culture intensive. C’est également un inventeur d’outils.
C’est ensuite avec les ouvrages sur les maraîchers parisiens du 19ème siècle de J. Ponce que la ferme va s’inspirer. Finalement ce sont ces maraîchers intensifs sur de petites surfaces qui ont inspiré de grands maraîchers permaculturels. Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris par Moreau et Daverne 1845 : créer du sol, association de cultures, produire toute l’année, densifier.
Entrer en transition n’est pas entrer en résistance, lutter contre les vieux modèles ; c’est inventer le monde de demain, donner des couleurs à la vie, aller vers un mieux. (…)
Nous avons beaucoup d’atouts pour réussir cette mutation. Notre époque est pleine d’opportunités, en Occident jamais les citoyens n’ont bénéficié d’autant de libertés individuelles, jamais les échanges, la circulation des idées et des solutions positives n’ont embrassés à ce point la planète entière. Nous sommes dans la meilleure configuration possible pour réaliser un saut qualitatif sans précédent (…) la gigantesque crise qui s’annonce est une opportunité. Nous vivons un moment très particulier de l’histoire, positionné entre un vieux monde qui n’est pas encore mort et un nouveau monde qui n’est pas encore né. Résister à cette réalité ne sert à rien. Chacun d’entre nous peut imaginer sa vie, la dessiner de manière à se rapprocher de ses aspirations les plus précieuses ! Nous pouvons, en conscience, devenir responsable de notre existence et des conséquences de notre passage sur terre. Avec la satisfaction de nous dire que chaque personne qui s’engage résolument sur un chemin de cohérence fait progresser l’ensemble de la communauté humaine.
Perrine, quant à elle, s’instruit au Japon avec les techniques de bokashi et la lecture des livres de Masanobu Fukuoka : La révolution d’un seul brin de paille et L’agriculture naturelle : theorie et pratique pour une philosophie verte.
C’est avec les enseignements de Robert Hart, Patrick Whitefiled, Martin Crawford qu’ils expérimentent le jardin forêt.
C’est donc avec la rencontre et la lecture de tous ces précédents penseurs et expérimentateurs que Charles et Perrine ont imaginé et expérimenté la méthode permaculturelle du Bec.
En parallèle, des agronomes de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) ont mené une étude pour connaître la productivité des cultures de la ferme. Cultiver petit et bien, densifier les productions, prendre soin du sol, rendre beau son jardin, planter des arbres fruitiers, travailler à la main donne un chiffre d’affaires en 2013 de 32 000 € pour 1400 heures de jardinage. Le chiffre d’affaires en 2014 monte à 30 800 € pour 2000 heures de travail.
Hier Fénouna, notre quatrième fille, m’a rejoint sur l’île après l’école et m’a dit : « Papa, j’ai souri aux canards et l’un d’eux m’a souri à son tour. Il est trop sympa, ce sera mon canard ! » Grandir dans une ferme et sourire au canard, voilà l’enfance que nous souhaitons offrir à nos enfants !
L’agriculture industrielle engendrée par la société de consommation est une profonde perversion du métier de paysan : de porteur de vie, ils devient semeur de mort. Les agriculteurs en sont les premières victimes une prise de conscience se fait jour au sein de la profession. L’agriculture industrielle n’est que le reflet de notre société biocide : elle assassine les êtres vivants dans des quantités qui dépassent l’entendement, elle pue la mort — il importe d’en sortir le plus vite possible, avant qu’elle n’ait définitivement dégradée la seule planète vivante connue. Pourtant, comme un tas de compost, notre société porte en elle les germes du monde de demain. (…) Ayons confiance : la terre a le pouvoir de transformer ce qui meurt en de nouvelles formes de vie.
Rétroliens/Pings