Pourquoi être Papa

par | 22 Déc 2019 | 3 commentaires

Il n’y a pas si longtemps une personne m’a posé la question suivante : « Pourquoi, rationnellement, tu veux un enfant ? ». Je ne savais pas trop quoi lui répondre à part que j’en ai envie, je le sens ou que c’est à tous notre destin.

Elle me disait qu’elle ne savait pas si elle voulait des enfants, et elle cherchait des réponses en sondant ses amis. Elle ne voulait pas ce genre de réponse : « Je veux un enfant parce que c’est naturel ! Je veux un enfant pour perpétuer l’espèce humaine ! Je ne veux pas d’enfant à cause de l’écologie. Je suis en couple, maintenant c’est le moment de passer cette étape ».

Quand on parle des enfants avec ceux qui en ont, ils nous partagent en général seulement les moments de difficultés et très peu les moments de bonheur et pourtant, la plupart des gens ont toujours envie de faire des enfants ! Pourquoi ?

Je me souviens d’une discussion où j’ai été surpris parce que des membres de ma famille me disaient qu’ils ne voulaient pas d’enfants. Surpris parce que pour moi dès que tu vis avec la personne que tu aimes, logiquement l’envie d’avoir un enfant arrivera. Je me revois lui dire : « Mais tu verras, quand tu auras une copine, tu changeras d’avis ».

J’ai été surpris par ce questionnement parce que pour moi, tout le monde doit vouloir faire des enfants. Ne pas avoir un enfant était donc le fruit, non d’une réflexion, mais plutôt d’une incapacité à concevoir (sauf pour les écolos).

Dans les discussions, je me suis rendu compte que nous nous basons sur un schéma social, sociétal et/ou idéologique pour faire ou pas des enfants. Cela nous empêche de nous demander vraiment si nous voulons, oui ou non, des enfants. Pour des tas de décisions, nous utilisons notre cerveau rationnel, mais pas pour les enfants. Les amis, les personnes de ma famille sont là pour me rappeler que ce n’est pas une évidence et qu’il est bon de se poser cette question.


Avoir un enfant, c’est égoïste et altruiste

Avoir un enfant est d’abord pour moi un acte égoïste. Je ne demande pas si l’enfant est d’accord ! Je ne demande pas si le monde en a besoin. Donner naissance implique une grande responsabilité des parents pour accompagner l’enfant vers son bonheur, vers son épanouissement. Ma vie changera énormément alors suis-je prêt à assumer cette responsabilité ? Je n’en ai aucune idée. Mais quand ma vie s’achèvera, je pense à ce que je pourrai regretter. Quelles seront mes dernières pensées au moment de quitter mon corps ? Serai-je satisfait de ma vie ? Je pense que sans enfant il me manquerait quelque chose, comme si au moment de mettre la dernière pièce du puzzle, il ne serait pas entier, comme s’il manquait une grosse partie.

Avoir un enfant c’est aussi altruiste : donner son temps, son argent, son énergie à l’émancipation d’un être. C’est un acte d’amour envers l’enfant, la vie et la planète. Pour savoir si je veux un enfant, je peux répondre à cette question en utilisant mes valeurs. Ma valeur principale : la transmission. Elle me permet de mieux comprendre cette envie. Que faisons-nous avec notre enfant si ce n’est transmettre ? Qu’est-ce que je veux transmettre et pourquoi ?

Mettre au monde pour changer le monde

D’abord je ne veux pas transmettre ce que l’on ma transmis à l’école, je ne veux pas transmettre le récit actuel : où l’appartenance à la nation est importante, ou l’argent est un but en soi, sans savoir à quoi il va me servir, où le travail est la clé d’une vie. Non, le monde actuel ne me convient pas. Aujourd’hui pour me construire, je passe beaucoup de temps à essayer de comprendre qui je suis. Ce que je veux vraiment. Quels sont mes masques, pourquoi je les mets. Accepter qui je suis, accepter comment sont les autres.

Pourquoi à l’école nous n’avons pas eu de cours, de formations et d’exercices sur nos émotions, sur notre verbe, sur nos besoins ? L’éducation aujourd’hui nous conditionne à être productif pour la société et oublie de nous faire nous poser des questions essentielles : celle du sens de sa vie, celle de soi-même. Je passe beaucoup de temps à désapprendre. Désapprendre les règles que l’ont m’a apprises sans les comprendre. La vie, la société fait que l’on a un métier qui ne nous plaît pas forcément, mais qui nous permet de gagner de l’argent. C’est une sorte de peine que l’on s’inflige. Nous n’avons pas de poids démocratique dans la société, si ce n’est voter pour un président qui ne nous représentera pas. Dans notre monde et depuis notre plus jeune âge nous punissons les erreurs à l’école alors qu’ils font partie de notre apprentissage. La justice punie alors qu’elle devrait restaurer… Je veux changer ce fatalisme. Je veux changer le monde, mais pour changer le monde il faut que je change. Bienveillance, communication non violente, écoute de l’autre, reformulation, empathie, restauration des liens…

Accompagner plutôt qu’éduquer

Je ne veux pas construire un monde de coopération, un monde d’entraide, de respect du vivant, sans léguer cet héritage à un enfant que j’aurai accompagné. Ça pourrait être un orphelin, un enfant qui ne serait pas de mon sang, mais je veux que ce soit un enfant de mon sang. Ce ne sera pas « mon » enfant, parce qu’il sera lui et que je ne serai pas son propriétaire. Je ne veux pas exercer sur lui une « autorité ». Je veux l’accompagner, différemment dont je l’ai été, en prenant ce que j’ai aimé, ce que j’ai appris, et en laissant de côté ce que je n’ai pas aimé ou que je considère aujourd’hui comme obsolète ou mauvais. Nous ne serons jamais des parents parfaits, alors j’ai envie d’expérimenter une autre façon d’accompagner les enfants que ce que peut proposer la société actuelle. Je dis accompagner et non éduquer parce que je transmet ma vision des choses, mes valeurs, ma façon de faire, les accords que j’ai passé avec la société pour bien vivre ensemble, à eux d’en faire ce qu’ils veulent. Éduquer me renvoie à l’autorité du parent envers son enfant. Je remplace donc le terme « éduquer » par « accompagner » que je trouve plus juste, et nous met, en tant que parent, dans une position plus humble et d’écoute de l’enfant.

 

Apprendre à apprendre, accepter la diversité des opinions, connaître ses besoins, comprendre ses émotions, accepter ses blessures, accepter qu’on n’a pas des parents parfaits, déconstruire l’univers de ses parents, penser par soi-même, trouver sa voie… Ce que je découvre maintenant et qui pour moi est difficile et long à mettre en place, je veux le transmettre aux enfants, et ainsi voir comment ils vont évoluer avec cet état d’être et d’esprit qu’ils auront dès le début. C’est un pari que je fais avec le monde : les enfants seront en capacité de changer le monde, mieux que moi je ne le pourrais ! Je sens une sorte de bulle qui m’empêche d’aller plus loin, qui sera difficile à percer pour atteindre un autre stade de conscience personnelle. Je pense qu’avec un accompagnement plus bienveillant, ces enfants pourront aller plus loin que nous.

Nous souhaitons, en tant que parents, que nos enfants vivent mieux que nous, nous leur souhaitons une vie plus facile. Nos parents, nos grands-parents ont sacrifié la leur pour la nôtre. Et le résultat est décevant pour eux : nous souhaitons revenir dans un monde rural, parce que certaines valeurs d’entraide, de sobriété, de respect ont été perdues. Parce que la ville, la concentration nous broie lentement. Parce que la société d’accumulation, de confort n’est plus une utopie réaliste. Pour autant, je les remercie parce que c’est grâce à eux que nous pouvons tous éveiller notre conscience. Peut-être devions-nous en passer par là pour mieux nous recentrer sur nos besoins. L’excès peut entraîner une sobriété.

Je ne souhaite pas que la génération future gagne en confort ou en argent, mais plutôt qu’elle gagne en conscience et en bonheur.

Avoir un enfant c’est prendre la pari de créer un monde meilleur, avec des plus belles valeurs. Voilà pourquoi je veux des enfants. Ils ont un grand poids sur les épaules, mais finalement tant qu’ils cherchent le bonheur personnel dans le respect du vivant c’est le principal.

Finalement si je ne devais retenir qu’une seule raison, c’est que je sais que je veux être papa parce que depuis un moment je suis gaga devant les enfants que je croise !

Yohan

Ecolo, militant, determiné à changer le monde et en quête de sens
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